Lamantins
Les lamantins : un suivi adapté au milieu guyanais
Le lamantin d’Amérique, Trichechus manatus est un grand herbivore aquatique de la famille des Trichechidae, mystérieuse famille de mammifères marins à l’origine du mythe des Sirènes grecques. La répartition du lamantin d’Amérique s’étend du Brésil à la Floride, le long des côtes, dans les zones avales des grands fleuves, dans les estuaires. Plutôt solitaires, les lamantins peuvent toutefois être observés en petits groupes de quelques individus qui correspondraient à des regroupements pendant la période de reproduction. Les interactions entre les individus sont rares, les lamantins vocalisent peu, sauf dans le cas d’une mère et son petit. Le lamantin est herbivore, assez opportuniste. En Guyane par exemple, il se nourrit de nombreuses espèces immergées, émergentes ou flottantes, notamment des plantes herbacées, du Moucou-moucou, et des graines et jeunes pousses de palétuviers.
Sur l’ensemble de cette aire de distribution, le Suriname, la Guyane et l’état brésilien de l’Amapa constituent un site de rencontre entre le lamantin des Grandes Antilles (sous espèce du lamantin d’Amérique) et le lamantin amazonien (Trichechus inunguis), qui se reproduisent entre eux et créent ainsi des individus hybrides et fertiles. Cette adaptation à l’environnement naturel, par ces phénomènes d’hybridation sans doute très anciens, est rarissime chez les mammifères. En plus de cette curiosité biologique, en Guyane le lamantin est aussi un animal avec une grande importance culturelle au sein des différentes communautés traditionnelles : on le retrouve dans de nombreux contes, légendes, représentations et motifs.
Les principales menaces pesant toutefois sur l’espèce sont les prises accidentelles dans les filets de pêche côtiers et le braconnage occasionnel pour la chair. Le trafic maritime et la qualité de l’eau dans certaines zones peuvent aussi limiter l’abondance du lamantin et fragiliser la qualité du milieu et des ressources alimentaires.
''Du fait de tous ces éléments et du caractère emblématique de l'espèce, il est primordial que l'espèce puisse bénéficier de mesures de protection et de suivis appropriées.''
Depuis que l’espèce est étudiée en Guyane, depuis la fin des années 90, le lamantin est régulièrement observé sur tout le littoral, en particulier au niveau des marais, des mangroves estuariennes et des côtes rocheuses. Des enquêtes menées par l’association en 2000-2001 suggéraient que l’espèce avait était plus abondante quelques dizaines d’années auparavant, et que la chasse aurait été à l’origine d’une diminution de la population. Mais le lamantin est très discret et relativement difficile à observer du fait notamment de la turbidité de l’eau et de son attitude plutôt farouche, rendant son étude et l’évaluation de l’état des populations très complexe.
L’association a déployé depuis 15 ans une méthode d’inventaire au sonar. Ce type de matériel permet de détecter dans l’eau, en absence de visibilité directe, des masses assimilables à des lamantins. Cet outil constitue dorénavant l’une des méthodes de comptages de lamantins reconnues partagées entre plusieurs équipes en Amérique centrale et Amérique du sud.
Des inventaires de tous les estuaires ont ainsi été menés au début des années 2010, avec des centaines d’heures de travail, et répétés au début des années 2020 : ils ont montré une diminution significative des occurrences détectées avec le sonar. Par ailleurs, est notée sur la zone côtière une diminution de la qualité des eaux, des captures accidentelles, une pollution acoustique, et un braconnage encore présent bien que réduit.
Ces abondances qui déclinent, ces pressions, la particularité génétique du lamantin hybride en Guyane, font que la population guyanaise est considérée “en danger” par la Liste Rouge régionale des espèces menacées.
